La grive de Bicknell
Grive de Bicknell (Catharus bicknelli)
Une invitée à protéger!
De par son climat, le Mont Sainte-Anne est un endroit de prédilection pour ce volatile. Le nombre limité de spécimens répertoriés au Québec ainsi que les pressions exercées sur son habitat, commandent des efforts soutenus pour la préservation de cet oiseau.
C’est une invitation à la découvrir et à la protéger!
La Grive de Bicknell a été découverte en 1881 par Eugene Bicknell, dans l’État de New York, mais elle n’a été désignée espèce distincte qu’en 1995. Avant cette date, elle était considérée comme une sous-espèce de la Grive à joues grises qui lui ressemble beaucoup. C’est un ornithologue canadien, Henri Ouellet, qui a finalement persuadé les autorités scientifiques que la Grive de Bicknell et la Grive à joues grises étaient deux espèces distinctes. Comme cette grive préfère des habitats difficiles à explorer par l’homme et qu’elle est plutôt rare, elle demeure l’une des espèces d’oiseaux les moins connues en Amérique du Nord.
La Grive de Bicknell est un oiseau migrateur, de passage au Québec l’été pour sa nidification. Sa présence chez nous est un privilège pour tous les ornithologues-amateurs et les amants de la nature.
La Grive de Bicknell est un petit oiseau de la taille d’un moineau. Le mâle et la femelle sont presque identiques, le mâle étant un peu plus gros. Mesurant de 16 à 18 cm et pesant entre 25 et 30 g, la Grive de Bicknell est l’une des plus petites grives de la famille Catharus. Une teinte jaune pâle se dessine depuis la face de l’oiseau jusqu’à la moitié de la mandibule inférieure ou un peu plus loin. Lorsqu’observé d’une certaine distance, l’oiseau semble presque entièrement d’un brun olive terne. Son thorax, d’une saisissante couleur chamois, est parsemé de petites taches sombres, qui décorent aussi son menton, sa poitrine et ses flancs. Ses pattes sont d’un brun violacé, et ses pieds sont jaune pâle. Ses grands yeux ont évolué de façon à lui permettre de voir.
Cet oiseau :
- est plutôt rare : il pourrait y en avoir aussi peu que 4 000 au Canada
- est le seul oiseau qui niche exclusivement dans le nord-est de l’Amérique du Nord
- a un nid surveillé par jusqu’à quatre mâles
- est l’un des oiseaux les moins connus en Amérique du Nord
Reproduction
Les Grives de Bicknell ont un mode d’accouplement peu commun. En effet, les femelles s’accouplent avec plus d’un mâle. Une telle pratique d’accouplement n’a pas été observée chez les autres grives. Jusqu’à quatre mâles effectuent des tâches rattachées à un même nid, y compris apporter de la nourriture aux oisillons.
Il semblerait que la Grive de Bicknell adulte retourne chaque année à la même aire de nidification. La Grive de Bicknell se reproduit lorsqu’elle est âgée d’un an. Les mâles arrivent aux aires de reproduction au milieu ou à la fin de mai, habituellement quelques jours avant les femelles. Peu après avoir atteint les aires de reproduction, le mâle ouvre la saison d’accouplement en chantant toute la journée afin de signaler sa disponibilité aux femelles qui arrivent. Si le froid persiste, le chant peut devenir intermittent jusqu’à ce que le temps s’adoucisse.
Peu après le début de l’accouplement, un lieu de nidification est choisi, probablement par la femelle. Les oiseaux commencent à construire le nid au début ou au milieu de juin. Il est habituellement situé dans un peuplement dense de jeunes épinettes ou sapins. Les oiseaux mettent en général de 7 à 10 jours pour construire leur nid, mais, si celui-ci est détruit par un prédateur ou par accident, il peut être reconstruit en deux jours seulement.
La femelle pond un œuf par jour, habituellement aux premières heures du jour. Les œufs sont en général d’un vert bleuté. Une couvée compte trois ou quatre œufs. La femelle commence à couver, c’est-à-dire à réchauffer les œufs, après avoir pondu l’avant-dernier œuf, et elle est la seule à le faire.
Les oisillons naissent environ 12 jours plus tard. Ils n’ont pas de plumes et dépendent entièrement des adultes pour les nourrir et les tenir au chaud. Encore 12 jours et les oisillons sont incapables de tenir plus longtemps dans le petit nid et sont prêts à s’envoler. Ils demeurent autour du nid et les adultes continuent de s’occuper d’eux. Ils seront indépendants avant la migration de l’automne qui a lieu en septembre. Chaque nid ne produit en moyenne qu’un ou deux oisillons et les années où le principal prédateur de la grive, l’écureuil roux, est abondant, encore moins de jeunes oiseaux survivent.
Habitat
La Grive de Bicknell niche dans des boisés très denses, composés d’arbres rabougris dont les essences dominantes sont le sapin baumier et l’épinette rouge et selon des conditions climatiques particulièrement humides, froides et venteuses. Ce climat est important pour sa survie, puisque son cycle de reproduction en dépend. Elle se reproduira et élèvera ses petits dans ces forêts.
À Percé, la Grive de Bicknell fréquente le Mont Sainte-Anne. Sa présence est un privilège pour tous. Bien que le Mont Sainte-Anne possède un sommet moins élevé que la plupart des endroits fréquentés par la Grive de Bicknell au Québec, il n’en demeure pas moins un endroit de choix. En effet, puisque cet oiseau apprécie un climat frais et humide durant sa période de reproduction, la proximité du Golfe du St-Laurent lui assure des quantités suffisantes de pluie, qui s’accompagnent d’une brise froide et humide. Le Mont Sainte-Anne est donc un endroit de prédilection pour ce volatile.
Après un séjour de quatre mois seulement, la Grive de Bicknell amorcera une migration de plus de 2 000 kilomètres vers le sud, pour rejoindre les Grandes Antilles avant le début de l’hiver. Chacun des périples vers le nord ou vers le sud, mène la Grive de Bicknell vers un avenir incertain.
Espèce vulnérable
Cet oiseau est d’ailleurs si sensible aux perturbations qu’il abandonne son nid dès le moindre dérangement. En raison de sa vulnérabilité et du peu de connaissances détenues sur la taille et la répartition de sa population, la Grive de Bicknell a récemment été classée comme espèce ” préoccupante ” au Canada par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada et au Québec elle figure parmi les espaces vulnérables.
Plusieurs changements dans l’environnement portent préjudice à ce volatile. La Grive de Bicknell est sensible aux moindres fluctuations de son environnement ce qui la rend très vulnérable aux activités humaines qui altèrent son habitat tout comme des températures variables à la hausse, entre autres, occasionnées par le phénomène des changements climatiques. La coupe forestière, la construction de tours de télécommunication ou encore d’éoliennes sont toutes des activités qui diminuent l’étendue forestière et donc, la superficie de l’habitat disponible pour la Grive de Bicknell.
Protection de l’espèce
Le projet de Géoparc au Mont Sainte-Anne et tout ce que cela entraîne comme changements, soit l’installation d’infrastructures, la création de nouveaux sentiers, provoquant ainsi une augmentation de la fréquentation du site, sont des facteurs susceptibles d’affecter le cycle de reproduction de la Grive de Bicknell. En fait, la fragmentation du territoire et l’altération de l’habitat sont les conséquences redoutées par tous ces changements.
Conséquemment, tout un travail doit être planifié, parmi lequel une vaste campagne de sensibilisation servant à la promotion de sa valeur et de son importance dans le paysage du Mont Sainte-Anne. Les panneaux d’interprétation sur l’espèce peuvent aider d’une part à l’identifier mais également à expliquer les enjeux reliés à sa survie. En ce sens, un plan d’action est souhaitable, dans lequel il est fortement recommandé de procéder à une évaluation bisannuelle de sa population. Enfin, la protection légale de la Grive de Bicknell peut être confiée à un organisme reconnu et spécialisé, qui serait mandaté à la bonne gestion des terrains. À titre d’exemple, Conservation de la Nature est un organisme du genre, dont la mission est vouée principalement à la protection des espèces menacées.
De plus, une coalition de scientifiques, de gestionnaires de ressources naturelles et de planificateurs en matière de conservation formant le Groupe international pour la conservation de la Grive de Bicknell (GICGB), se consacre à l’étude et à la conservation de cet oiseau chanteur mystérieux et fascinant. Les efforts déployés par le GICGB ont donné lieu à un plan d’action novateur visant à faire en sorte que la Grive de Bicknell ne devienne pas une espèce en voie de disparition, pour notre plus grand bonheur à tous.
Références bibliographiques
Identification de l’aire de répartition de la Grive de Bicknell dans le secteur du Mont Sainte-Anne, Étude de Conservation de la Nature, août 2011.
Greg Campbell « Études d’Oiseaux Canada – Région de l’Atlantique, Nouveau-Brunswick »